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Droits des travailleurs et devoir de vigilance : le leader mondial des call centers Teleperformance mis en demeure
Sherpa et le syndicat UNI Global Union mettent formellement en demeure Teleperformance, leader mondial des centres d’appel et l’un des plus grands employeurs français, sur le fondement de la loi sur le devoir de vigilance. En effet, des risques d’atteintes graves aux droits des travailleurs sont dénoncés dans ses filiales en Colombie, au Mexique ou encore aux Philippines, mais n’ont pas été intégrés dans son plan de vigilance. C’est la première fois qu’une mise en demeure est envoyée sur ce fondement pour défendre les droits des travailleurs d’une multinationale française à l’étranger.
Inconnue du grand public, Teleperformance est la face cachée de l’économie numérique. Spécialiste de l’externalisation de la relation client, l’entreprise française emploie plus de 300 000 salariés dans ses call centers à travers le monde, chargés de répondre aux sollicitations des clients des géants du numérique et de la vente à distance : Apple, Amazon, Netflix, Uber, Expedia, ou encore Bouygues Telecom. Teleperformance traite également des demandes de visas pour la France dans des pays comme l’Egypte, le Gabon ou l’Ouzbékistan. Mais lorsque les consommateurs français appellent ces services d’assistance téléphonique, ils ne connaissent pas les conditions de travail de l’autre côté de la ligne.
Teleperformance opère en effet surtout là où la main d’œuvre est bon marché, y compris dans des pays à risques pour les droits fondamentaux des travailleurs et la liberté syndicale comme la République Dominicaine, la Colombie, l’Inde ou les Philippines. La semaine dernière, UNI Global Union a publié un rapport dans lequel il fait état de menaces aux droits fondamentaux des salariés de Teleperformance en Colombie, y compris de possibles atteintes à la liberté syndicale et tests de grossesse imposés aux travailleuses.
Or, depuis 2017, la loi sur le devoir de vigilance oblige les grandes entreprises françaises à identifier les risques d’atteintes aux droits humains et aux libertés fondamentales causées par les activités de leurs filiales, y compris à l’étranger, et de prévoir des mesures adaptées pour prévenir ces violations. Cette loi sans précédent, portée par Sherpa aux côtés d’une coalition d’organisations de la société civile, y compris des syndicats français, vise précisément à contraindre les sociétés-mères à prévenir les atteintes causées par leurs activités, même si ces atteintes ont lieu dans leurs filiales étrangères.
Malgré de nombreuses alertes d’UNI Global Union, Teleperformance n’a pas publié de plan de vigilance dans son rapport annuel en 2018 et s’est contentée de publier un plan de deux pages en 2019, sans même y associer les syndicats. Aucun effort d’identification et de prévention des risques d’atteintes aux droits des travailleurs dans ses filiales à l’étranger n’a été fait.
Aujourd’hui, Sherpa et UNI Global Union mettent formellement Teleperformance en demeure de revoir sa copie. Si l’entreprise ne prend pas de mesures adaptées dans les trois prochains mois, en y associant les syndicats, nos organisations pourront l’assigner en justice pour qu’il lui soit enjoint de respecter ses obligations.
- Pour Sandra Cossart, Directrice de Sherpa : « La loi sur le devoir de vigilance exige bien plus qu’un exercice formel de publication d’un plan : il s’agit de prendre des mesures adaptées d’identification et de prévention des risques d’atteintes graves. Cette loi ne concerne pas seulement des multinationales françaises connues des consommateurs, mais également des entreprises moins visibles, comme Teleperformance, qui opèrent elles aussi dans des pays à risques. Teleperformance doit maintenant tout mettre en œuvre pour empêcher les atteintes aux droits des travailleurs, à défaut elle devra en répondre devant la justice. »
- Pour Christy Hoffman, Secrétaire Générale d’UNI Global Union : « Teleperformance a décidé de mener ses activités dans des pays souvent peu respectueux des droits humains, et en particulier des droits des travailleurs. Dans ce contexte, il lui revient d’adopter un plan crédible et holistique, pour empêcher que ces risques ne deviennent réalité. Le plan publié par Teleperformance ne remplit pas ces conditions. L’entreprise devrait aussi corriger les problèmes qui ont déjà été rapportés par les travailleurs, pour éviter qu’ils ne se généralisent. »