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Aller de l’avant en Palestine - Pourquoi les femmes et les jeunes ouvrent la voie dans les Territoires palestiniens
La Palestine est une société incroyablement jeune — 37% de la population a moins de 17 et 24% ont entre 19 et 24 ans. Pas moins des deux tiers de la population ont moins de 29 ans.
Pourtant, en ouvrant l’atelier, le Dr Samer Salameh, vice-ministre du Travail de l’Autorité palestinienne, a fait part de son étonnement face au nombre de jeunes participants.
« Lorsque j’ai accepté l’invitation à un atelier syndical, j’étais certain de me trouver face à un public bien plus âgé, » a déclaré le Dr Salameh avec humour. « Or, j’ai été absolument ravi de voir aujourd’hui autant de visages jeunes et autant de femmes dirigeantes syndicales. »
C’est pourtant bien ce qui se passe en Palestine : des syndicalistes jeunes et motivés sont en train de changer le scénario et d’aller de l’avant pour les travailleurs de la finance.
Cet atelier organisé par UNI Finance à Ramallah, en Cisjordanie, et financé par Finansforbundet, a réuni des syndicalistes venus intensifier leurs actions de syndicalisation novatrices dans le secteur de la finance en Palestine. En janvier, après un atelier similaire, le Syndicat national des travailleurs de la banque et de l’assurance avait réussi à enregistrer une hausse spectaculaire de ses effectifs, puisque 479 nouveaux membres ont adhéré au syndicat. Cette fois, le but est de poursuivre la construction de ce jeune syndicat en y attirant 243 membres supplémentaires.
Les militants ont appris à cartographier les lieux de travail et les employeurs, à identifier de nouveaux militants potentiels, à discuter avec les travailleurs et à les écouter, ainsi qu’à identifier les problèmes qui comptent réellement pour eux. Les militants ont également pris le temps d’étudier les raisons pour lesquelles les travailleurs adhèrent ou non à un syndicat, afin d’adapter leur approche du recrutement en conséquence.
Cette année, le syndicat a réuni plus de 100 militants formés à la stratégie de recrutement et désireux de susciter des adhésions de masse dans le secteur, notamment dans deux des plus grandes banques. Ces deux banques ont indiqué qu’au vu du succès du syndicat, elles étaient prêtes à signer les premiers accords de reconnaissance dans le secteur. Le syndicat NTUBI veut se développer afin d’obtenir le droit de négocier collectivement et ainsi de discuter avec les entreprises sur un pied d’égalité pour améliorer la vie des travailleurs.
Le secteur de la finance est l’un des plus importants en Palestine : il emploie environ 11.000 personnes dans 20 entreprises et représente plus de 27 % de l’économie palestinienne.
Il est impossible de ne pas mentionner les graves difficultés et les menaces auxquelles se heurte la syndicalisation en Palestine. Les déplacements et les voyages sont gravement entravés par divers obstacles tels que points de contrôle, murs de sécurité, blocages routiers, fermetures et contrôles aléatoires. La Cisjordanie accueille quelque 2,7 millions de Palestiniens, mais est traumatisée par le nombre croissant de colonies israéliennes sur ses 5.600 kilomètres carrés.
Bien que les Nations Unies aient déclaré que les colonies israéliennes violent la Convention de Genève de 1949 qui interdit le transfert par une puissance occupante d’une population civile dans un territoire occupé, le nombre de colonies ne cesse d’augmenter. En 1993, au moment des accords d’Oslo, les colonies israéliennes comptaient au total quelque 165.000 personnes. Malgré les accords d’Oslo qui prévoyaient l’arrêt de la construction de colonies israéliennes, le nombre de colons dépasse désormais les 600.000, selon B’Tselem, le Centre d’informations israélien sur les droits de l’homme dans les territoires occupés.
Le mur de séparation qui, une fois achevé, s’étendra sur près de 708 kilomètres, rappelle concrètement les difficultés rencontrées par le peuple palestinien. Le chômage dans les Territoires palestiniens atteint 29% (44% à Gaza) et crée un environnement de travail marqué par la peur et l’insécurité, car les travailleurs sont terrifiés à l’idée de pouvoir perdre leur emploi. Selon le Dr. Mahdi Abdelhadi de la Société académique palestinienne pour l’étude des affaires internationales, ce conflit qui perdure depuis plus de 70 ans est « un conflit sans fin, qui touche à la terre, à l’identité, au narratif, à l’histoire, au déni et à la religion. »
Dans le camp de réfugiés Al-Amaari de Ramallah, la situation est dramatique. La diminution des fonds due à la décision de Trump de priver le programme UNRWA de millions de dollars a exacerbé la situation économique et sociale déjà difficile à Al-Amaari.
Bien que ce camp de réfugiés héberge près de 10.500 personnes, l’absence de financement a encore aggravé une situation désespérée. Les réfugiés du camp n’ont accès qu’à un seul dispensaire comptant deux médecins pour 300 patients par jour. L’éducation pose également problème, avec seulement deux écoles dans le camp et 50 élèves par enseignant. Le manque de ressources et la pauvreté génèrent la colère et la méfiance, mais les résidents du camp manifestent également un espoir sincère de paix.
C’est dans ce contexte pénible de conflit et d’occupation que les syndicats palestiniens enregistrent leur succès inattendu. Au milieu de l’hostilité du conflit, le NTUBI redonne l’espoir et la foi aux jeunes travailleurs qui se sentent revigorés grâce au soutien d’UNI et du syndicat suédois Finansforbundet.
Tahreer Kamal, 28 ans, qui travaille à la Banque islamique arabe, fait partie du syndicat depuis un an, et a déjà constaté des améliorations au travail.
« Quand on travaille dans une banque, on a du mal à équilibrer vie professionnelle et vie de famille, » déclare Kamal. « J’arrive au travail à 8h00 et je rentre chez moi à 19h00 ; j’ai donc à peine le temps de voir ma fille ou de rencontrer des amis. »
« Si les syndicats palestiniens travaillent de manière concentrée et organisée, leur potentiel est énorme. Nous pouvons changer les mentalités. Les syndicats ont déjà commencé à changer la perception du rôle de la femme dans la société. »
« Dans le passé, notre rôle dans la société était quelque peu marginalisé. Maintenant, les femmes commencent à réussir à la fois dans le secteur public et dans le secteur privé, et à faire entendre leur voix. Nous représentons 50 % de la société, et il n’est que justice que nous fassions entendre notre voix. Nous apportons la preuve que notre participation aux syndicats peut stimuler considérablement nos institutions et nos sociétés. »
Bien que les femmes représentent 49,7% des quelque 345,5 millions d’habitants de la région MENA, et aient des niveaux d’instruction élevés (13 % des femmes en Palestine ont un diplôme universitaire, contre 9% des hommes), elles continuent à se battre pour participer à la population active dans la même proportion. UNI Égalité des chances est le fer de lance des efforts visant à autonomiser les femmes de la région par le biais de son programme pionnier de tutorat, qui a enregistré un grand succès pour consolider les compétences et aider les femmes à trouver leur place dans le mouvement syndical. Selon plusieurs participants à l’atelier d’UNI Finance, le programme de tutorat a joué un rôle clé dans la fourniture d’une plateforme permettant aux jeunes femmes de consolider leur expérience du mouvement syndical.
Kamal, qui sera présente au Congrès mondial d’UNI à Liverpool du 15 au 18 juin pour recevoir le prix Aller de l’avant pour les succès de syndicalisation du NTUBI, a félicité UNI pour ses ateliers et son soutien en Palestine.
« Ces ateliers ont été inestimables – nous avons réalisé de grandes choses ensemble, et les syndicats se développent ici en Palestine grâce à la détermination de nos jeunes membres et au soutien d’UNI et du Finansforbundet. »
Wa’el Elbuss, cadre dans la compagnie d’assurance Al-Mashreq, est un membre actif du syndicat depuis plus de 4 ans. Il a joué un rôle majeur dans l’explosion du nombre de membres ces derniers mois.
Wa’el a bon espoir que le prochain cycle de recrutement aura le même succès que le précédent. « Jusqu’ici, notre coopération avec UNI a été marquée par le soutien et la collaboration et s’est avérée utile et efficace – nous avons beaucoup appris et nous allons continuer à le rendre possible pour les travailleurs palestiniens, » a-t-il déclaré.
« Les syndicats ont besoin de la jeunesse comme les plantes ont besoin d’eau : lorsque nous nous rendons dans les banques pour recruter, la plupart des travailleurs sont jeunes, eux aussi ; c’est pourquoi il est important d’avoir des syndicalistes jeunes, capables de nouer le contact avec eux en vue de les recruter pour le syndicat. Nous sommes bien instruits et motivés pour faire évoluer nos structures syndicales et la société. »
Wa’el estime également que les syndicats ont un rôle à jouer pour influer sur l’évolution de la société palestinienne. « Le travail a un impact sur tout : depuis la liberté de mouvement jusqu’à la nature de notre société, notre développement économique et nos perspectives d’emploi. Comme on le voit à Al-Amaari, les retombées négatives du chômage créent un cycle qui s’auto-perpétue et qui maintient la Palestine dans la stagnation. Les syndicats et les individus peuvent exercer une influence positive sur les questions sociales au niveau du logement, des soins de santé et de l’éducation. Il nous incombe en tant que syndicat de travailler pour que ces valeurs soient respectées. »
Alaa’ Khadeijeh, qui a assisté à l’atelier d’UNI à Amman, estime qu’UNI a un effet positif sur le mouvement syndical palestinien.
« Un des principaux problèmes dans notre secteur est l’absence d’incitations et de motivation – nous travaillons d’arrache-pied pour atteindre pratiquement tous nos objectifs. Mais même si nous y parvenons, la direction ne fait rien pour nous récompenser, de sorte que les travailleurs n’ont pas le moral. »
Grâce au dévouement d’un mouvement syndical jeune et diversifié, le NTUBI a pu devenir une force dans le secteur. Alaa’ estime que le moment est venu de tirer parti des opportunités qui se présentent pour les jeunes femmes en Palestine. « Nous devons profiter de notre aptitude à communiquer et tirer parti des opportunités qui nous sont offertes de créer une société meilleure, » déclare Alaa’. « Lorsque les femmes ne sont pas incluses, c’est la société qui souffre. »
Alaa’ est particulièrement expansive lorsqu’elle parle du rôle d’UNI dans les succès récents : « Le rôle qu’UNI joue en Palestine est très prometteur — UNI est en train de faire bouger les choses au moment même où nous parlons. Il y a six mois, nous n’aurions pas cru que nous en serions là où nous sommes aujourd’hui. Croyez-moi, UNI va remporter un énorme succès et va ‘le rendre possible’ ici en Palestine. »
Hannadi Tahhan, qui travaille également chez Al-Mashreq, considère que le syndicat est en train de mettre au point la bonne méthode pour avancer en mêlant jeunesse et expérience et pour faire passer le syndicat à la vitesse supérieure.
« J’ai déjà assisté à un certain nombre d’ateliers d’UNI, et ce qui me frappe, c’est que nous pouvons réellement trouver les jeunes qui ont un potentiel de progression pour devenir des leaders syndicaux. Nous voulons leur donner les outils et la liberté d’écrire l’avenir de la Palestine et de notre syndicat. »
Selon Hannadi, un autre avantage considérable de ces ateliers est le renforcement de la capacité à planifier de façon stratégique et à fixer des objectifs à court, moyen et long termes. Hannadi et le syndicat se sont attachés à essayer d’obtenir de la part de la direction un accord révolutionnaire à la mise en place de crèches pour les enfants des femmes qui travaillent dans le secteur de la finance.
« Il est important de s’unir autour d’un ensemble commun d’objectifs et d’idéaux, » explique Hannadi. « Beaucoup de femmes en Palestine considèrent cette question comme l’une des principales, car elles sont souvent forcées de choisir entre leur travail et leur famille. »
Un autre problème sur lequel le syndicat travaille est le niveau des rémunérations en Palestine. Comme la Palestine n’a pas de monnaie officielle, les dollars américains, les shekels israéliens et les dinars jordaniens sont couramment utilisés. Or, les employés de banques reçoivent leur salaire en dollars, de sorte que leur rémunération évolue constamment à cause du taux de change.
Pour certains, cette rencontre a représenté leur première expérience des syndicats. Une participante venant de la Banque islamique palestinienne a dit que c’est l’une de ses collègues qui l’avait convaincue de venir à l’atelier pour comprendre ce qu’est la syndicalisation.
« En Palestine, les jeunes sont désespérés. Nous cherchons à tout prix à nous impliquer dans le débat à tous les niveaux, au travail, dans nos syndicats ou dans la société, et les jeunes n’attendent qu’un signe pour se lancer, » déclare-t-elle.
« Ces derniers jours nous ont encouragés et galvanisés. Nous sommes sûrs que les prochains jours de syndicalisation ne feront qu’accroître encore notre motivation et notre courage. Quand nous sentons le soutien et l’appui qui nous sont apportés, tout devient possible. »
On observe en Palestine un véritable sentiment que les choses commencent à bouger à grande échelle. Certains observateurs relèvent que la situation politique dans la région s’est dégradée ces dernières années, mais à travers le brouillard et le flou du conflit, l’espoir de trouver des solutions demeure. Le processus de paix est peut-être gelé pour l’instant, mais les syndicats prouvent qu’ils ont la volonté, la motivation et la capacité d’aller de l’avant pour les travailleurs de Palestine. Avec les jeunes travailleurs et les femmes comme fers de lance du mouvement, les syndicats sont en train de « le rendre possible » en Palestine.