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La « gig economy » mondiale et ses implications pour les travailleurs africains du numérique
Le professeur Graham, dans son discours présenté à la 4e Conférence d’UNI Africa à Dakar, Sénégal, a mis en garde contre le danger du « capitalisme parasitique » où les activités des entreprises du numérique ne profitent que marginalement aux endroits où elles sont implantées et où les travailleurs sur plateformes sont laissés pour compte.
Philip Jennings, Secrétaire général d'UNI Global Union, a déclaré que la recherche portant sur le futur monde du travail, suivie d'actions, était essentielle: "Nous devons regarder la réalité en face - la recherche entreprise par l'Université d'Oxford, le Forum économique mondial, l'OCDE et d'autres laisse entrevoir un avenir morose pour l'emploi dans de nombreux secteurs. Cela pose des questions de politique générale à tous les niveaux et la réponse qui y est apportée doit être pénétrée d'un plus grand sentiment d'urgence."
Le professeur Graham, Cet expert du numérique, basé à Oxford, s’est inspiré de son article récent « Digital Labour and Develoment » (main d’œuvre numérique et développement) et de son rapport correspondant « The Risks and Rewards of Online Gig Work At the Global Margins » (risques et récompenses du travail à la tâche en ligne à la marge de la mondialisation).
Article : http://journals.sagepub.com/eprint/3FMTvCNPJ4SkhW9tgpWP/full
Rapport : https://www.oii.ox.ac.uk/publications/gigwork.pdf
Le professeur Graham a déclaré : « Il existe une alternative au modèle ‘Upwork.com’ et ‘Mechanical Turk’ qui, hélas, est en train d’embellir l’image de l’économie sur plateforme. Les syndicats doivent travailler ensemble à produire un modèle alternatif qui protège les droits des travailleurs. Le moment n’est pas venu de se chercher des excuses parce que les nouvelles structures sont en train de se mettre en place au moment où je vous parle. »
Le professeur Graham a proposé des solutions concrètes axées autour de la création d’un pouvoir de négociation pour les travailleurs des plateformes numériques, notamment :
« Nous pourrions imaginer des organisations attachées à la transparence et identifiant des bonnes pratiques qui veilleraient à ce que les travailleurs reçoivent des salaires de subsistance et une protection sociale et économique suffisante et ne soient pas exposés à des risques indus. En d’autres termes, une fondation du travail équitable au lieu d’une fondation du commerce équitable – qui vérifierait et certifierait ce genre de choses. »
« Nous pouvons aussi mettre à profit ce que nous savons de la nature socialement désintégrée de ce travail pour insister afin qu’une part plus importante de ces activités soit canalisée par le biais d’entreprises sociales, d’organisations à but non lucratif et bien sûr de coopératives n’appartenant pas à l’économie sur plateforme et respectant le droit du travail local. »
« La dispersion géographique des plateformes de travail numérique les rend extrêmement difficiles à réglementer. Beaucoup de gens prospèrent dans un tel environnement. Mais le rôle de la réglementation du travail devrait être d’aider les plus vulnérables. Une solution pourrait consister à définir le statut d’emploi au lieu où le service est effectivement fourni. Pourquoi un employeur basé en Allemagne ou aux Etats-Unis pourrait-il échapper à la législation du travail et aux normes minimales simplement parce qu’il utilise une plateforme numérique pour se connecter avec un travailleur ? »
Le professeur Graham a plaidé en faveur de la création d’un syndicat transnational des travailleurs du numérique : « À défaut de la proximité physique dont les syndicats avaient traditionnellement besoin, au moins devrions-nous avoir une sorte d’identité professionnelle commune… Un rôle explicite pour un syndicat des travailleurs du numérique pourrait être de donner à ces travailleurs très divers, travailleurs à temps partiel, travailleurs temporaires, à temps plein, entrepreneurs, etc., une conscience de classe. De mettre en lumière la précarité de ce travail. De souligner que les travailleurs assument bon nombre des risques liés à la libre entreprise, mais peu de ses avantages. »
Le professeur Graham a conclu en disant qu’il n’était pas pessimiste à propos du futur monde du travail, mais que nous ne devions pas être réticents à en relever les défis. Il a signalé que certains pays d’Afrique prenaient l’initiative, tels que le Nigeria, dont le gouvernement a mis au point un programme appelé ‘microtravail pour la création d’emplois’. Le gouvernement du Kenya envisage une action similaire.
Au lieu d’imaginer que le travail numérique est entrepris dans des espaces numériques échappant à la réglementation et à la gouvernance induite par les travailleurs, souvenons-nous que toute activité se déroule quelque part. Le travail numérique a toujours une géographie. Et nous pouvons profiter de ce que nous savons des géographies économiques du travail numérique pour envisager et rechercher un avenir différent et plus juste pour les travailleurs d’Afrique et du reste du monde.
Contact: professeur Mark Graham à immedium@gmail.com