L’objectif annoncé de l’Union européenne est de mettre en place une économie intelligente, durable et inclusive, une économie qui ferait de l’Europe un endroit agréable à vivre et propice aux affaires. Dans la mesure où les services contribuent déjà à hauteur de plus de 65 % à la production et à l’emploi au sein de l’UE, il est clair que le secteur des services aura un rôle clé à jouer dans ce projet. L’Union européenne ne dispose toutefois toujours pas d’une stratégie claire qui lui permettrait de s’appuyer sur les services pour atteindre son objectif.
Avec son manifeste sur les services, UNI Europa a fait un premier pas vers l’élaboration nécessaire d’une politique européenne globale des services en faveur de l’emploi, de la compétitivité et d’une meilleure qualité de vie en Europe. Afin d’affiner ce programme pour les années à venir, UNI Europa réunira des syndicalistes, des décideurs politiques et des chercheurs dans le but de mettre au point une stratégie qui permettra de réaliser le plein potentiel des services européens pour une Europe plus compétitive et où il fait bon vivre.
Poursuivez votre lecture pour en savoir plus sur la raison pour laquelle l’Europe a besoin :
- d’une nouvelle approche en matière de gouvernance des services ;
- d’emplois de qualité pour des services de qualité ;
- d’un secteur des services fort pour assurer la compétitivité ;
- de services de qualité pour une qualité de vie.
L’Europe a besoin d’une nouvelle approche politique des services
L’Union européenne n’a jusqu’à présent élaboré aucune stratégie cohérente pour le secteur européen des services. En réalité, les décideurs politiques de l’UE se montrent peu ambitieux à l’idée de soutenir un développement favorable à long terme pour le plus grand secteur de notre économie. UNI Europa est profondément déçue de ce manque d’ambition, dans la mesure où nous sommes persuadés que l’intégration fondée sur une stratégie claire pour les services pourrait améliorer les conditions de travail dans le secteur, renforcer la compétitivité de l’Europe et y améliorer la qualité de vie.
Le principal projet de l’Union européenne pour notre secteur est bien entendu la création d’un marché unique européen des services. Il n’est pas difficile d’imaginer à quel point ce projet pourrait s’avérer bénéfique pour les parties prenantes du secteur européen des services, et donc pour les travailleurs, les entreprises et les consommateurs. Imaginez un marché unique réglementé de manière uniforme pour conserver des normes élevées en termes de qualité des services et s’assurer que la concurrence demeure loyale. Un tel marché encouragerait les entreprises à innover et à se spécialiser pour devenir plus productives et donc meilleures, sans toujours uniquement viser l’expansion. Un marché unique de ce type serait par ailleurs réellement bénéfique pour les travailleurs européens des services. Les entreprises ont besoin d’une main-d’œuvre loyale, compétente et motivée pour devenir les champions de l’innovation et de la qualité, ce qui devrait encourager les entreprises à investir dans des emplois de qualité.
Le marché unique bâti au cours des vingt dernières années apparaît pourtant très différent de celui décrit ci-dessus. Il est le résultat d’une approche fragmentée caractérisée par des mesures incohérentes visant la déréglementation, la privatisation et la libéralisation. Cette approche a donné lieu à une mosaïque composée de lacunes, de zones grises et de fausses mesures incitatives. En conséquence, les pratiques commerciales frauduleuses, le dumping social et les oligopoles foisonnent dans le secteur européen des services, avec des effets néfastes sur la qualité des services et des emplois dans le secteur.
Cela suffit ! Nous exigeons que l’Union européenne élabore une approche plus ambitieuse et cohérente en matière de gouvernance des services, y compris dans le cadre du marché unique des services. Le manifeste d’UNI Europa sur les services est un premier pas décisif dans cette direction. UNI Europa souhaite participer à un débat constructif au cours des prochaines années, afin d’élaborer des propositions réalistes pour une politique européenne des services à long terme, qui permettra de s’assurer que notre secteur contribue à améliorer la qualité de vie et à renforcer la compétitivité en Europe, aujourd’hui et à l’avenir.
L’Europe a besoin d’emplois de qualité pour des services de qualité
En décembre 2013, le taux de chômage au sein de l’UE des Vingt-Huit a atteint 10,7 %, avec des taux supérieurs à 25 % dans les pays les plus durement touchés par la crise. Cependant, avant même que la crise n’éclate, la croissance de l’emploi en Europe entraînait surtout la création d’emplois qualifiés de précaires en termes de salaire, de sécurité de l’emploi et de sécurité au travail. De nombreux segments du secteur européen des services sont particulièrement touchés par ce phénomène. En conséquence, fin 2013, 123 millions (!) d’Européens étaient considérés comme aux portes de la pauvreté et de l’exclusion sociale par la Commission européenne.
Dans le même temps, le salaire et les revenus du capital des directeurs d’entreprise ont atteint des sommets sans précédent. L’Europe d’aujourd’hui est donc caractérisée par des niveaux dramatiques d’inégalité sociale. Un effondrement social et le retour à une société de classes typique du XIXe siècle sont de l’ordre du possible dans ces conditions. L’Union européenne doit se concentrer sur la création d’emplois permanents, sûrs, qualifiés et bien rémunérés (autrement dit, des emplois de qualité) pour contrer cette tendance. Elle se doit de réaffirmer son engagement en faveur d’un modèle social européen inclusif.
Alors qu’elle a besoin de plus d’emplois et d’emplois de meilleure qualité, l’Union européenne ne peut se permettre de négliger son secteur des services. Ce secteur contribue déjà à l’emploi et à la production de l’UE à hauteur de plus de 65 %. Il est donc évident que les services sont les plus susceptibles de créer des emplois de qualité.
La création d’emplois dans le secteur des services par le biais, entre autres, de politiques ciblées en faveur du développement des compétences, de la sécurité sur le lieu de travail et de la participation des travailleurs semble constituer une approche des plus logiques au vu des principales caractéristiques des services : au vu de leur forte intensité de main-d’œuvre, la qualité des services et leur capacité d’innovation dépendent d’une main-d’œuvre compétente bénéficiant de conditions de travail décentes. En d’autres termes, des politiques ciblées en faveur d’emplois de qualité dans le secteur des services permettent la mise en place d’un cercle vertueux dont le résultat est la prestation de services de meilleure qualité. La mise en place de ce cercle vertueux a donc un impact double : sur les travailleurs du secteur des services et sur les utilisateurs de ces services.
Des services en faveur de la compétitivité
UNI Europa s’est toujours fermement opposée au nivellement par le bas en termes de salaires, de fiscalité et de réglementation, une approche défendue par certains dirigeants européens pour s’approprier de plus grandes parts de marché à l’échelle mondiale.
L’Europe n’a pas besoin d’en venir à ces extrêmes pour obtenir et conserver une place de choix dans l’économie mondiale. Les économies développées peuvent conserver leur avantage concurrentiel en produisant des produits innovants hautement spécialisés et en proposant des services de qualité supérieure, comme le font déjà l’Allemagne et les pays nordiques. L’UE devrait s’engager sur cette voie, dans la mesure où sa main-d’œuvre hautement instruite et son économie fondée sur les connaissances constituent des atouts à exploiter. Cette approche est par ailleurs compatible avec des conditions de vie et de travail décentes au sein de l’UE, un élément qu’il ne faut bien entendu pas négliger.
Notre secteur des services peut apporter une contribution substantielle à un modèle européen de croissance et de compétitivité fondé sur la qualité et l’innovation. Notre secteur a le potentiel de devenir un as de la qualité et de l’innovation, pour peu que les conditions de travail des travailleurs des services soient cohérentes avec cet objectif. Dans la mesure où les services présentent une forte intensité de main-d’œuvre, les capacités d’innovation et la qualité des services nécessitent des travailleurs compétents bénéficiant de conditions de travail décentes. En d’autres termes : les politiques dont l’objectif est d’améliorer la qualité des services doivent avant tout améliorer la qualité des emplois dans le secteur des services. Chez UNI Europa, nous y voyons un cercle vertueux : des emplois de qualité dans le secteur des services se traduisent par des services de qualité.
La solidité du secteur des services constitue également une condition essentielle pour la compétitivité des autres secteurs. L’ensemble de l’économie européenne récoltera les fruits de ce cercle vertueux en faveur d’emplois et de services de qualité. Considérons par exemple le secteur manufacturier : pour produire des produits complexes qui font la différence sur les marchés mondiaux, les fabricants européens dépendent de services spécialisés tels que la conception, les TIC ou la logistique. Si l’Europe souhaite parvenir à renforcer son secteur manufacturier, elle n’a d’autre choix que de mettre en place un secteur des services innovant, en mesure de fournir des services de qualité supérieure.
Des services en faveur d’une meilleure qualité de vie
Il est impossible d’imaginer une qualité de vie élevée en Europe sans des services de qualité. Imaginez une Europe sans supermarchés et magasins nous permettant d’acheter les produits dont nous avons besoin chaque jour. Imaginez à quoi ressemblerait votre lieu de travail ou votre école sans le travail réalisé par les techniciens de surface. Qui gèrerait vos paiements et vos économies si aucun employé de banque n’était là pour s’en charger ? Certains services sont essentiels pour tirer profit de ces avancées technologiques qui nous facilitent la vie, comme le service postal qui vous livre à domicile vos achats en ligne. D’autres services permettent tout simplement à nos sociétés de s’adapter à de nouvelles réalités. Il s‘agit par exemple des services de garde qui amortissent les effets de l’évolution démographique.
En bref, il est aisé de constater à quel point nous dépendons des services dans notre vie quotidienne. En réalité, nous tenons la disponibilité de ces nombreux services pour acquise, au point que nous ne les remarquons que lorsqu’ils ne fonctionnent pas comme nous le souhaiterions. S’assurer que les conditions politiques nécessaires sont en place pour favoriser la qualité de ces services constitue une tâche essentielle pour une Union européenne soucieuse de la qualité de vie de ses citoyens.
Il convient d’élaborer une stratégie européenne, afin que le secteur des services puisse réaliser son plein potentiel en matière d’amélioration de la qualité de vie en Europe. Il s’agit dans un premier temps d’élaborer une politique européenne des services qui mise sur la relation vertueuse entre la qualité de l’emploi dans le secteur et la qualité des services prestés. En réalisant les bienfaits de ce cercle vertueux et en prenant des mesures en conséquence, cette politique européenne des services sera en mesure d’améliorer à la fois les conditions de vie et de travail en Europe.