Suisse: le projet de libéralisation totale reste inacceptable

Communiqué de Presse du Syndicat de la Communication
Révision de la législation postale
Même amélioré par la commission des Etats, le projet de libéralisation totale reste inacceptable
Le projet de révision de la législation postale qui sera traitée par le Conseil des Etats à la session de décembre ne fait pas l’unanimité : à l’issue de ses discussions, la Commission des transports et des télécommunications des Etats n’a approuvé le projet que par 8 voix sur 12. Rien d’étonnant : malgré quelques améliorations, le projet reste inacceptable, car il prévoit une libéralisation totale du marché à un tempo effréné. Le Syndicat de la Communication demande maintenant au plénum de corriger le tir.
Le Conseil des Etats est réputé parler la voix de la sagesse. Sa commission des transports et des télécommunications (CTT-E), qui a fini hier de traiter de la révision totale de la législation postale, n’est qu’à moitié fidèle à cette réputation. Si elle a repoussé les propositions les plus néfastes et dangereuses pour la population et les régions, si elle a apporté ici ou là quelques améliorations au projet du Conseil fédéral, elle s’est pourtant laissée aveugler sur l’essentiel : la libéralisation totale du marché postal.
Le projet de loi prévoit en effet cette libéralisation complète sans pour autant résoudre la question fondamentale du financement du service universel après suppression du monopole actuel. Le mécanisme proposé pour financer les coûts nets du service universel (Art. 21 LPO), à savoir une redevance perçue auprès de tous les prestataires de services postaux, est concrètement inapplicable. Un tel mécanisme n’existe d’ailleurs nulle part ailleurs. Dans tous les pays qui ont complètement ouvert leur marché postal, cela s’est traduit en revanche par une réduction du service universel (étendue, fréquence, etc.) ou une hausse des prix pour la majorité des usagers.
Une libéralisation complète irait en outre à l’inverse de la tendance qui domine désormais au sein de l’Union européenne : de plus en plus de pays membres – la France par exemple - envisagent désormais de repousser l’application de la 3e Directive postale (qui prévoit la libéralisation complète), car ils ne trouvent pas de solution cohérente pour financer le service universel en l’absence de monopole résiduel.
Face à ces réticences au sein de l’UE, il convient d’être très prudent. Or, le projet adopté par la CTT-E prévoit une ouverture complète une année après l’entrée en vigueur de la loi. Cela serait irresponsable, car personne ne peut dire ce qu’il adviendra si la Suisse libéralise totalement son marché postal, mais que les pays de l’UE ne le font pas. Le risque serait énorme que des grands opérateurs étrangers profitent des avantages de leur monopole national pour venir concurrencer la Poste suisse sur notre marché.
C’est d’ailleurs en prenant acte de ces deux données que le gouvernement de la Norvège (Etat non-membre de l’UE) a décidé, au début octobre, de repousser sine die la reprise volontaire de la 3e Directive postale.
Ces inconnues, ces risques non évalués sont trop importants pour pouvoir accepter une libéralisation totale, a fortiori avec la rapidité folle prévue par le projet. Le vote final plutôt mitigé de la CCT-E (8 oui contre 1 non et 3 abstentions) traduit bien le fait que ce projet ne convainc guère. C’est pourquoi le Syndicat de la Communication demande maintenant au plénum du Conseil des Etats de corriger le tir en renonçant à une libéralisation totale. Un monopole résiduel est encore et toujours le meilleur moyen pour financer le service universel auquel les Suissesses et les Suisses, mais aussi l’économie et les régions périphériques sont attachés.
Si la libéralisation totale devait rester dans le projet après l’examen des Etats puis du National, le Syndicat de la Communication saisira très certainement le référendum. Sans attendre la fin des travaux parlementaires, le Syndicat de la Communication va en outre officiellement lancer, fin novembre-début décembre, son initiative « Pour une poste forte », qui prévoit notamment le maintien d’un monopole résiduel et la création d’une banque postale pour financer le service universel et le réseau d’offices de poste.
Berne, le 10 novembre 2009