Les travailleurs intérimaires les plus durement frappés par la crise
n nouveau rapport publié par le Bureau international du Travail (BIT) indique que les travailleurs employés par les agences de travail temporaire ont été parmi les premiers à perdre leur emploi du fait de la crise financière et économique.
Parallèlement, le rapport rappelle que la ratification de la convention n° 181 sur les agences d’emploi privées peut contribuer à promouvoir le travail décent et à garantir un meilleur fonctionnement des marchés du travail.
Le rapport – intitulé «Les agences d’emploi privées, les travailleurs intérimaires et leur contribution au marché du travail» – souligne une corrélation directe entre la croissance économique et l’état du secteur des agences d’emploi: forte expansion du secteur et performance des agences pendant les périodes de boom économique et, a contrario, contraction du secteur et faiblesse des agences actuellement.
Le rapport sera débattu lors d’une réunion tripartite mondiale, organisée les 20 et 21 octobre au siège du BIT et intitulée «Atelier visant à promouvoir la ratification de la convention (n° 181) sur les agences d’emploi privées, 1997. La convention n° 181 établit un équilibre entre le besoin de flexibilité des ressources humaines qu’ont les entreprises et les besoins des travailleurs en termes de sécurité de l’emploi, d’environnement de travail sûr, de conditions de travail décentes et de sécurité sociale.
«Les agences d’emploi privées jouent un rôle important dans le fonctionnement des marchés du travail modernes. Elles agissent comme des intermédiaires qui permettent aux entreprises de disposer d’une plus grande latitude pour augmenter ou réduire leurs effectifs, tout en offrant aux travailleurs suffisamment de sécurité en termes de possibilités et de conditions d’emploi, notamment pour ce qui est de la rémunération, de la durée du travail et de la formation», indique le rapport.
«Le secteur des agences d’emploi privées et du travail intérimaire s’est développé à un rythme spectaculaire au cours des trente dernières années en raison du besoin croissant de fournir une main-d’œuvre et des services adaptés à un marché du travail flexible et en pleine expansion. Les entreprises utilisatrices embauchent des travailleurs intérimaires afin de s’adapter rapidement aux variations de la situation économique. Depuis mi-2008, les entreprises ont eu recours à cette ‘soupape’ pour licencier des travailleurs intérimaires, tout en préservant leur personnel permanent», a expliqué John Myers, spécialiste du secteur au sein du Département des activités sectorielles du Bureau international du Travail (BIT) et auteur du rapport.
Les plus importantes pertes d’emploi temporaire ont été enregistrées dans le secteur manufacturier des pays développés, plus particulièrement dans le secteur automobile. Le rapport cite l’exemple de l’Allemagne où l’on estime qu’entre 100 000 et 150 000 travailleurs intérimaires ont perdu leur emploi dans les quatre à six mois qui ont suivi octobre 2008. Des tendances comparables ont pu être observées au Japon, aux Etats-Unis, en Espagne et en France.
«La plupart des grandes agences d’emploi privées affirment qu’il faudra attendre 2010 au moins avant de voir un retournement de conjoncture. Cela devrait normalement se produire lorsque les heures supplémentaires et la durée hebdomadaire de travail du personnel permanent auront commencé à augmenter dans les entreprises utilisatrices et que le sous-emploi aura commencé à baisser. Quand les sociétés envisageront à nouveau de se tourner vers des agences pour satisfaire leurs besoins de main-d’œuvre, cela constituera l’un des premiers signes que la crise économique touche à sa fin», ajoute John Myers.
Dans le même temps, le secteur introduit lui-même des mesures pour réduire les coûts et accroître l’efficacité de ses services. Selon le rapport, ces mesures ne donneront des résultats que si elles répondent aux défis suivants:
- Continuer à garantir que la réglementation nationale sur le travail des agences est fondée sur le concept de flexicurité – en parvenant à un juste équilibre entre le besoin de flexibilité sur le marché du travail et la garantie d’une protection adéquate des travailleurs intérimaires.
- Accompagner la transition des travailleurs temporaires licenciés des entreprises utilisatrices vers d’autres missions aussi vite que possible.
- Eviter la multiplication des fermetures d’agences grâce à des programmes de réduction des coûts et de rationalisation.
- Elaborer de nouvelles stratégies commerciales pour tenir compte du climat économique de réduction des coûts dans les entreprises utilisatrices et de la détérioration des relations entre les entreprises clientes et les agences du fait de la crise économique.
- Surmonter les restrictions qui freinent l’activité des agences dans certains pays et secteurs qui se rétablissent après la récession et poursuivre leur expansion à l’échelle mondiale.
- Développer des stratégies qui correspondent aux différents scénarios de reprise économique: la possibilité d’un rebond durable, celle d’une longue période de stagnation suivie d’une reprise sans emploi, ou celle d’un bref rebond suivi d’une nouvelle phase de déclin.
- Réfléchir au rôle du secteur de l’intérim sur les marchés du travail nationaux après la récession en vue d’augmenter ses taux de pénétration, en particulier sur les marchés émergents d’Europe de l’Est, d’Amérique latine et d’Asie.
«Les pays qui n’ont pas encore ratifié la convention n° 181 sont encouragés à le faire, parce que sa mise en œuvre peut enclencher une dynamique favorable à la création d’emplois, à la croissance structurelle, à une meilleure efficacité des marchés nationaux du travail, à une meilleure adéquation de l’offre et de la demande de main-d’œuvre, ainsi qu’à un accroissement des taux d’activité et de la diversité. Elle propose également un cadre clair pour réglementer, agréer et s’autoréguler, ce qui améliore la fiabilité; elle garantit aux travailleurs une protection réelle contre les pratiques déloyales; elle décourage le trafic d’êtres humains; et elle promeut la coopération entre les services publics de l’emploi et les agences privées. Finalement, la ratification pourrait contribuer à promouvoir et à mettre en œuvre l’Agenda pour le travail décent en garantissant la protection des droits et des conditions de travail des travailleurs intérimaires», ajoute le rapport.
Au cours des derniers mois, plusieurs déclarations politiques au niveau international ont évoqué la question des agences d’emploi privées et du travail temporaire. A cet égard, le Pacte mondial pour l’emploi de juin 2009 préconise de «créer ou renforcer des services publics de l’emploi efficaces et d’autres institutions du marché du travail» et «d’assurer une couverture [de protection sociale] adéquate aux travailleurs temporaires».
Selon le rapport, «différents acteurs sociaux ont fait pression sur les gouvernements pour qu’ils améliorent les prestations sociales dispensées aux travailleurs intérimaires, cependant la réforme, quand elle a eu lieu, a été lente et parcellaire».