Les Fonds d'investissement – une menace pour l'Europe sociale
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La montée en puissance des fonds d'investissement risque de ruiner toute chance d'une Europe sociale – une Europe assurant aux travailleurs un travail décent et la participation des syndicats au dialogue social. Tel est l'avertissement lancé avec gravité par le Secrétaire général d'UNI, Philippe Jennings, lors de la Conférence d'UNI-Europa à Athènes. Les délégués ont voté une motion exigeant davantage de transparence des fonds d'investissement et des fonds d'arbitrage, et ont appelé l'Union européenne à réglementer efficacement ces organismes. Les pires sont ceux qui empruntent à faible taux d'intérêt pour racheter des entreprises, puis imputent la dette à leurs victimes, démantèlent leurs actifs et se payent au passage avec des dividendes colossaux, tout en supprimant les emplois et en ruinant les conditions de travail. Jeannie Drake, du CWU Royaume-Uni, a raconté comment la banque Macquarie a récemment racheté Airwave 02, puis a raflé le fonds de pension du personnel dans les 50 minutes qui ont suivi la signature de la vente, sans consultation aucune des syndicats et des adhérents de la caisse de retraite. "Nous avons riposté et nous n'avons pas l'intention de lâcher le morceau" a déclaré Jeannie Drake à la Conférence. Les délégués ont également soutenu les appels en faveur d'une action européenne pour que les multinationales ayant leur siège en Europe respectent les conventions de l'Organisation internationale du Travail partout où elles opèrent dans le monde. Ils ont également appelé l'UE à instaurer un taux de fiscalité minimale afin d'éviter le "tourisme fiscal" d'un État à l'autre, risquant de conduire à une course au moins-disant pour les travailleurs d'Europe. L'Europe a été le garant de la paix et du bien-être depuis la signature du Traité de Rome il y a cinquante ans, a souligné le Secrétaire d'État du ministère de l'emploi en Allemagne, Rudolf Anzinger. "L'Europe sociale est le meilleur moyen de faire face à la mondialisation économique et aux changements dans la société. La sécurité sociale n'est pas un luxe, elle est essentielle pour la paix sociale." L'Allemagne, qui assure actuellement la présidence de l'UE, souhaite que soient créées des possibilités d'emploi, mais des emplois de bonne qualité. "Si les fonds d'investissement poursuivent leurs activités, ils finiront par ruiner l'Europe sociale et nous priveront de tout moyen d'obtenir une mondialisation juste" a déclaré Philippe Jennings. "Nous exigeons une réglementation et le respect des droits des travailleurs". Il a demandé que la réglementation protégeant ces droits en cas de transfert d'entreprises soit étendue aux transferts financiers tels que les rachats d'entreprises sur base d'endettement, et a également demandé la suppression des niches fiscales de certains Etats et un arrêt du flux illimité de capitaux, qui fait qu'aucune entreprise en Grèce et dans le monde n'est à l'abri d'une OPA de la part d'un fonds d'investissement ou d'un fonds d'arbitrage. "L'Union européenne doit porter le message du travail décent et d'une vie décente auprès des citoyens du monde entier". Les syndicats sont visés par les attaques hostiles contre les négociations collectives, a mis en garde Simon Dubbins, Amicus, Royaume-Uni. "Si nous voulons défendre l'Europe sociale et améliorer l'agenda social, il est nécessaire que nous avancions unis, comme nous l'avons fait pour la directive sur les services". D'ici une dizaine d'années, le secteur des services – la sphère d'activité d'UNI et de ses affiliés – représentera 80 % de l'emploi en Europe. Déjà, au niveau mondial, le taux d'emploi dans les services a pour la première fois dépassé celui de l'emploi dans l'agriculture. "Nous rejetons la Wal-Martisation du secteur des services" a déclaré Philippe Jennings, en appelant à multiplier les accords mondiaux qui engagent les multinationales des services à respecter les droits des travailleurs. Il faut également accélérer les alliances regroupant les syndicats d'une même multinationale par-delà les frontières. En Suède, l'essor du secteur des services a incité les deux syndicats SIF et HTF à fusionner au 1er janvier de cette année, ont annoncé Peter Hellberg et Bengt Olsson. "L'avenir est dans le secteur des services et nous en portons la responsabilité" a déclaré Peter Hellberg, tandis que Bengt Olsson a souligné qu'une vaste partie du marché du travail se trouvait dans les petites et moyennes entreprises, où les travailleurs ne sont souvent pas syndiqués. "Nous devons coopérer les uns avec les autres et c'est ainsi que nous serons plus forts". "Les délocalisations nous poussent jusque dans nos derniers retranchements" a dit Piearangelo Raineri, de la FISACAT-CISL Italie. Les délégués ont également réclamé des consultations et des négociations bien à l'avance sur tout projet de délocalisation "afin d'empêcher les licenciements obligatoires". La coordination des politiques salariales à l'échelle interprofessionnelle européenne est importante pour les syndicats, a souligné Karl Proyer du GPA, Autriche. "Nous devons tenir des discussions plus concrètes à ce sujet et prendre des engagements spécifiques." La motion, très bien reçue, a été adoptée avec trois abstentions à peine. Elle appelle à intensifier "la coopération entre les affiliés et les secteurs sur les questions de négociations collectives, dans l'objectif d'améliorer les salaires et les conditions d'emploi et combattre le dumping social". "Les négociations collectives au niveau européen devraient contribuer à renforcer l'appui au modèle social européen", a déclaré Piearangelo. Certains syndicats approchent avec prudence la notion de négociation collective supranationale. À cet égard, la Conférence a eu soin de souligner qu'un "cadre de négociations collectives ne peut recevoir de soutien que s'il respecte les mandats de négociation des représentants syndicaux et les systèmes de relations du travail en vigueur." |